vendredi 25 octobre 2013

Attouchements

On ne m'a jamais violée. Ni même agressée. Je n'ai jamais été insultée dans la rue par des hommes lubriques. En tout cas, je n'en ai pas le souvenir. Mais, par deux fois, on m'a tripotée contre mon gré. Les 2 fois, je me suis sentie démunie, je suis restée muette, je n'ai pas su quoi faire. 
La première fois, c'est le 31 décembre, j'ai 14 ou 15 ans. On est au cinéma en famille, avant de fêter le Réveillon. La salle est presque vide. Et là, je le vois qui entre dans la salle. Je le vois lorgner chaque rangée. Je vois son regard s'arrêter sur moi. Je SAIS qu'il va choisir le siège à côté de moi. Il est mal habillé, il a l'air d'un clochard, avec ses cheveux sales et mal peignés. La salle est presque vide. Il s’assoit à côté de moi. Voilà. Je sais déjà qu'il va faire quelque chose. Dans cette salle qui diffuse un film pour enfants. Les lumières s'éteignent. Je sens ses doigts contre mon flanc, qui cherchent le bord de mon t-shirt. Heureusement, mon haut est très étroit, il ne peut pas passer sa main en dessous. Ses doigts qui glissent contre moi, encore et encore. Je n'attends qu'une chose, que le film finisse, enfin. Dès le début du générique, avant même que les lumières ne se rallument, il se lève, et part presque en courant. Voilà, c'est fini, et ce n'est pas allé plus loin que des doigts qui glissent sur le velours de mon haut de fête. Mais j'y ai souvent repensé. Ça m'a hanté de n'avoir rien dit, de ne pas avoir bouger. Mais je ne voulais pas que mon père se batte. J'avais peur, je n'ai rien dit.
La deuxième fois, c'est la Fête de la Musique, cet été. On regarde un numéro de percussions. Les gens se pressent autour de moi. Et puis d'un coup, je le sens. Quelqu'un se frotte contre mes fesses. Je sens son sexe dur qui frotte. Je cherche à changer de place. Il me suit, reste collé à moi. Mon homme ne voit rien, ne se rend compte de rien. Je lui demande de se mettre derrière moi, mais il ne comprends pas. Les hommes sont parfois aveugles. Je ne sais pas quoi faire. Enfin, j'arrive à me dégager, je me retourne, et je vois son visage. Il est noir, vieux et très élégant. Il tient sa veste devant lui, au niveau de sa taille. Je suis sûre que c'est pour cacher son pantalon déformé par son érection. Je tire Kichou par la main, je veux m'en aller. Je ne veux pas faire de scandale, de toute façon, je ne sais même pas si j'ai raison. Est-ce vraiment lui ? Je ne suis plus sûre de rien d'un coup. Finalement, on s'éloigne, enfin. Voilà, encore une fois, je n'ai rien dit, rien fait. Parfois, j'y repense. J'en ai même fait des cauchemars. Et c'est bête mais à chaque fois que je vois un vieil homme noir en costume, j'ai l'impression de voir un pervers.
Alors, quand je vois cet animateur d'une radio célèbre qui fait une vidéo pour conseiller aux jeunes d'embrasser des inconnues de force, je trouve ça violent quand même. Parce-que je me demande si je saurais quoi dire, quoi faire. Parce-que je refuse d'être un objet, que je ne vois pas pourquoi je devrais être un trophée dont on dispose librement au bout de trois questions. Parce-que je ne veux pas être confrontée à ce genre de situation, parce-que je ne comprends pas du tout POURQUOI je devrais être confrontée à ça. 
Je ne suis pas un objet. Je ne suis pas un animal. Je suis un être humain au même titre que les hommes qui se targuent de séduire en forçant.

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